La salle n°21 présente un grand cycle légendaire sur l’histoire de Sainte Ursule réalisée par Vittore Carpaccio, peintre Renaissant, spécialiste des grands cycles historiques et religieux. Cet ensemble, réalisé de 1490 à 1500, était destiné à la Scuola de Sainte Ursule, détruite au 19ème siècle. Il fut commandé par la noble famille Loredan qui donna plusieurs doges à la République de Venise. Neuf scènes racontent l’histoire de Sainte Ursule, sujet très populaire à l’époque de la Renaissance. Il convient de commencer par la toile accrochée sur le mur situé face à l’entrée et de continuer dans le sens des aiguilles d’une montre. En voici l’histoire. Les ambassadeurs du roi Conan d’Angleterre arrivent à la cour de Bretagne. Dans la deuxième scène, ils sont reçus en audience afin de demander la main d’Ursule pour le compte d’Erée, fils du roi d’Angleterre. Cette œuvre, la plus élaborée du cycle par ses couleurs et sa perspective, montre un scribe copiant les conditions du mariage et le roi de Bretagne remettant ce texte aux envoyés. Ursule obtient un délai de trois ans avant de se marier. La troisième scène présente le retour des ambassadeurs dans leur pays. Dans le quatrième tableau, c’est la rencontre et le départ en pèlerinage à Rome des fiancés, Erée et Ursule. Dans le tableau suivant, Ursule fait un songe révélateur d’un avenir plutôt sombre. Dans le sixième tableau, les fiancés obtiennent une audience auprès du pape à Rome. Puis, c’est le retour, Ursule navigue sur le Rhin et arrive à Cologne dans la septième scène. Là, Ursule, promise au fils du roi d’Angleterre, se refuse au chef des Huns. Celui-ci, furieux, tue Ursule, ainsi qu’Erée et les 11000 Vierges qui les accompagnaient. C’est le martyre et les funérailles peints dans la huitième toile, avant de s’achever par l’Apothéose d’Ursule, qui devient dès lors Sainte Ursule. Le cycle de Sainte Ursule de Vittore Carpaccio ne se développe, en réalité, ni en Angleterre, ni à Rome, ni à Cologne ; il est figuré dans une Venise bien réelle, quoique aussi imaginaire où l’usage du pittoresque et de l’anecdotique est relayé par l’ordre symbolique. L’artiste use tout d’abord d’une scénographie complexe : la légende est prétexte à l’illustration d’un roman chevaleresque. Carpaccio n’hésite pas à multiplier les scènes sur une même toile, comme il est d’usage depuis l’époque médiévale. Le meilleur exemple est celui du « Départ des Fiancés », toile qui contient deux épisodes. A gauche, le port anglais fortifié à deux tours où Erée fais ses adieux à ses parents, et, à droite, la Bretagne avec une suite de palais merveilleux où Erée rencontre sa fiancée. L’artiste utilise aussi une peinture à dimension symbolique révélatrice d’une Vérité. Dans le « Songe de Sainte Ursule », l’ange vient révéler son martyre prochain à Ursule, alors qu’elle va accomplir le pèlerinage permettant ses noces avec le prince païen Erée, qui se convertira par amour pour elle. De style presque flamand, la chambre est coupée en deux par les colonnettes du baldaquin : la fenêtre de droite est ornée d’un vase à col ouvert, empli d’œillets, symbole des noces, celle de gauche est ornée d’un vase à col fermé avec une myrte, symbole de l’amour pur et de la virginité. Ursule trouve la mort par son obstination à respecter la pureté nuptiale : l’ange apporte alors la palme du martyre. Le cadre de ces différentes scènes est bien vénitien : on y reconnaît la lagune, sillonnée de voiliers et de gondoles dans « l’Arrivée des Ambassadeurs ». On y reconnaît l’architecture de la ville dans « l’Arrivée à Cologne de Sainte Ursule », en particulier l’intérieur du Palais des Doges dans « l’Audience des Ambassadeurs». Enfin, on y reconnaît les Vénitiens eux-mêmes par leurs costumes et des portraits si précis que certains sont identifiables. D’ailleurs, beaucoup ont reconnu l’artiste sous les traits du jeune homme situé complètement à gauche dans la scène de « l’Arrivée des Ambassadeurs »…