Désormais une résidence privée, le « Grand hôtel de Parisiens » fut construit vers 1890 par l’architecte trouvillais également à l’origine de l’hôtel Flaubert de Trouville-sur-mer.
Les Deauvillais et Trouvillais s’y précipitaient pour le « Five o’clock » et s’attardaient parfois jusqu’au dîner dans l’espoir de croiser Mistinguett (qui possédait la villa « les Marmousets » à Criqueboeuf) ou le Duc de Windsor en goguette.
Oscar Wilde séjourna dans cet hôtel en 1897.
Dans les années 20, un Villervillais dynamique, entreprenant, travailleur, intelligent, Abel Mahu, ouvre à l’hôtel des Parisiens un restaurant de toute première classe. Avec l’aide d’un excellent maître-queue, Redoul, il attire la grande foule chaque année.
« Chez Mahu » est classé « deux étoiles » dans le guide Michelin : un restaurant qui vaut le détour. C’est le meilleur relais gastronomique du département.
Et comme Mahu a acheté peu à peu toutes les maisons environnantes, qu’il a su créer un cadre champêtre ravissant, et que l’accueil du propriétaire y est souriant, attentif et chaleureux, les clients se retirent toujours émerveillés et satisfaits.
La physionomie de l’hôtel à cette époque : des salles rustiques aux murs garnis de colombages, une cour normande agrémentée de tonnelles fleuries, dans ce Villerville minuscule aux maisons entassées et étroites, Mahu réussissait à construire en plein centre bourg un immense garage pour ses clients à l’intérieur même de son domaine, et même un tennis !
Toute la Normandie vient donc déjeuner chez Mahu.
Quand André Marie était Président du Conseil, on le voyait régulièrement en famille, déjeuner chez Mahu. Le ministre Henri Chéron venait presque tous les dimanches parfois en compagnie d’Aristide Briand.
Tout le Havre se retrouvait chez Mahu en traversant l’estuaire à bord des petits bateaux à vapeur.
Mahu proposait son fameux cocktail Mahu à l’orange, ses crevettes chaudes, son foie gras, sa sole normande, son poulet à la broche, son chaud froid de volaille et, pour finir, le client emportait ravi les fameux chocolats fourrés au calvados.
Il fonda également un journal : « Villerville Gazette » auquel tous ses clients étaient abonnés. En manchette, quatre vers, toujours les mêmes :
« Le bon pâté de foie gras
Le foie gras de chez Mahu
J’eus beau dire: j’en veux pas,
Rien à faire…Il m’a eu ! »
Les retombées financières furent bien entendu bénéfiques pour Villerville. Tout le commerce local en bénéficia. Tout le personnel était recruté sur place. Les pêcheurs qui remontaient de la plage avec leurs crevettes étaient sûrs de trouver preneur illico chez Mahu.
Mahu, c’était la personnalité du coin. Il était adjoint, il finira par devenir Maire de Villerville (1945) et, après sa mort, on donnera son nom à la rue des Bains.
