Nous voici sur cette grande place. Etes-vous bien face à la statue équestre ? Alors écoutons, pour commencer notre ami Stendhal. « C’est sur cette place que vingt fois Florence essaya d’être libre, et que le sang coula pour une constitution impossible à faire marcher. Insensiblement, la lune, qui se levait, est venue marquer sur cette place si propre la grande ombre du Palazzo Vecchio, et donner le charme du mystère aux colonnades de la galerie». De quoi nous parle Stendhal ? Tout d’abord des 2 monuments principaux de la place : à savoir de l’imposant Vieux Palais, autrefois siège du gouvernement de Florence, et de la loggia. La loggia est située sur notre droite perpendiculairement au « Vieux Palais ». L’écrivain nous rappelle aussi l’importance historique fondamentale de la place, terrain de tous les événements politiques qui firent de Florence ce qu’elle est. C’est donc l’occasion de commencer par quelques précisions historiques. L’époque romaine, des établissements thermaux sont édifiés sur la Place de la Seigneurie ainsi que d’immenses bâtiments de teinturerie, activité qui sera plus tard une spécificité économique de la Florence médiévale. Mais c’est au Moyen-âge qu’elle devient une place éminemment politique. Imaginons ! Nous sommes au 13ème siècle. Aucun des bâtiments qui nous entourent aujourd’hui n’existent encore. Le quartier est néanmoins habité et appartient aux Uberti, une famille gibeline. Mais, au fait, que veut dire ce terme ? Une famille gibeline est une famille qui a choisi le clan des Gibelins, c'est-à-dire l’allégeance à l’Empereur du Saint Empire romain germanique, et non à celle du pape. Car les partisans de ce dernier s’appellent les Guelfes. Deux clans opposés donc, car, depuis le 11ème siècle, l’empereur et le pape sont tous deux désireux d’étendre leur pouvoir temporel. Or la Toscane est une région-tampon entre eux avec, au nord, les provinces où l’empereur exerce son autorité, et au sud, les Etats pontificaux. La Toscane est donc terre de conflits, chaque faction tentant de prendre le pouvoir. A Florence, les Guelfes finissent par l’emporter. La famille gibeline du quartier où nous nous trouvons est alors spoliée de ses biens et son palais détruit. La terre, considérée comme impure, est alors pavée et devient ce qu’elle est aujourd’hui. Voilà pour la légende. Mais que nous disent les archives historiques ? Et bien que la construction du siège du gouvernement de la République de Florence, le Vieux Palais, commence à cette même période, le 13ème siècle. Tout comme, d’ailleurs celle de la Cathédrale à 300 mètres d’ici et centre du pouvoir religieux. La Place de la Seigneurie naît donc ainsi. Mais pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? Car le Vieux Palais abritait la Seigneurie, c'est-à-dire le gouvernement de Florence. Celui-ci était composé de 6 représentants des plus puissantes corporations de la cité, et d’un gonfalonier, qui est un magistrat détenant les pouvoirs juridique et militaire. L'agencement définitif de la Place de la Seigneurie date du 16ème siècle : d’une part, avec la construction des Offices, le long bâtiment situé à droite du palais, d’autre part avec la disposition des statues. Mais pourquoi un tel changement au 16ème siècle ? La réponse est devant vous. En effet, le cavalier que vous avez sous les yeux : Cosme 1er de Médicis, premier Grand Duc de Toscane sera le commanditaire de ce réaménagement qui marque, par cet acte, un tournant décisif dans l’histoire de Florence.
Photo Hanging and burning of Girolamo Savonarola in Florence by Anonymous under Public domain