De là, continuez vers le fond de la nef en laissant la belle coupole romane derrière vous. A l’entrée de la chapelle du Corpus Domini on peut voir le portail en fer forgé. En passant, jetez un coup d’œil vers une fosse qui se trouve à droite de la nef. C’est une partie dégagée par les archéologues montrant bien que la cathédrale a été construite sur l’ancien Forum romain. En l’occurrence, les grandes dalles de pierre correspondent à une partie de la voie romaine ! Vous êtes arrivés tout au bout de la nef de Saint-Maximin, devant le portail en fer forgé de la chapelle du Corpus Domini. Vous pouvez passer maintenant sur votre gauche pour découvrir rapidement la seconde partie de la cathédrale : à savoir la nef Saint-Sauveur, c’est à dire la nef centrale. D’emblée, on voit que le style est tout autre. Ce n’est plus l’art roman, mais c’est le gothique provençal. Souvenez-vous, au départ il y avait deux églises dont celle de Sainte-Marie édifiée vers l’an Onze cents. Oui mais voilà : dans le seconde moitié du 13e siècle, Aix a changé de statut. Elle est devenue la capitale des comtes de Provence avec tout ce que cela veut dire et notamment l’enrichissement de l’Eglise locale. La ville connaît alors une croissance soutenue: marchands, ordres religieux, noblesse multiplient les constructions. Un essor qui durera jusqu’au milieu du 14e siècle. C’est dans cette dynamique-là qu’il faut comprendre la construction de la nef Sainte-Marie. Mais curieusement, par rapport à d’autres chantiers de l’époque, les travaux avanceront ici très lentement. Les bons chanoines de la cathédrale ont peiné pour trouver des fonds et il leur faudra attendre plus de deux siècles pour que la dernière pierre soit posée. En chemin, la nef sera devenue celle du Saint-Sauveur, comme la cathédrale actuelle. Si la nef de Saint-Maximin, que vous venez d’arpenter, était dans le pur style roman provençal, celle du Sauveur, sous nos yeux, est dans la meilleure veine du gothique provençal. Car c’est au 13e siècle que le gothique, art venu du nord de la France, finit par s’imposer en Provence, une région très attachée à l’art roman. Il en prend d’ailleurs toutes les caractéristiques. D’abord, regardez la voûte. Elle est complexe. Vous voyez, il y a un motif qui se répète souvent : c’est celui où on voit deux arcs monter, se croiser puis redescendre vers des piliers. Ces arcs portent en fait le poids de la voûte. « Porter » se dit « augere » en latin, et du coup, ces arcs sont appelés « ogives ». Et on dit plus globalement que cette voûte est une voûte sur croisée d’ogives. Et c’est LA grande caractéristique de l’art gothique. Ce système permet d’alléger les murs, d’ouvrir des fenêtres, de faire entrer la lumière dans l’église beaucoup plus largement qu’auparavant. Regardez dans le chœur : voyez comme il est lumineux. Là, les fenêtres sont très grandes. Elles sont allongées tout autour du chœur. On parlera de « fenêtres hautes« et elles sont décorées de vitraux. D'ailleurs, l’art du vitrail n’aurait pas pu s’épanouir totalement sans l’art gothique. Et puis tout ce choeur est très coloré, surprenant non ? Et bien pas tant que cela. Certes, ce décor peint ne date que du 19e mais il nous rappelle que toutes les églises médiévales étaient décorées, colorées et finalement moins sévères qu’aujourd’hui. Et au fait, et la touche provençale alors ? Où la voit-on ? Et bien, elle s’exprime de 2 façons : la première est la simplicité de l’ensemble et même, les proportions assez trapues. De plus, si les fenêtres sont bien là, elles restent –à part dans le choeur- assez discrètes. Car contrairement aux édifices parisiens, on perce peu les murs chez les Provençaux. Certainement qu’on préfère ici avoir moins de chaleur.
Photo Aix-en-Provence - Cathédrale Saint-Sauveur - Nef centrale by MOSSOT under CC BY-SA 3.0