En descendant ce chemin, nous surplombons le château du Clos de Vougeot. Guettez le moment où vous pourrez apercevoir au milieu de ces magnifiques toitures un espace vide en carré semblant délimiter un cloître. Ce cloître est en fait la cuverie ! L’endroit où étaient pressés et vinifiés les raisins. Cette cuverie en forme de cloître démontre encore toute l’ingéniosité des moines cisterciens. Ils ont vraiment cherché, dans sa conception, à rationaliser les tâches au maximum. Les chariots de vendanges pouvaient y entrer directement car elle est de plain-pied. Comme elle est en carré, les chariots pouvaient aller à l’un ou l’autre des pressoirs positionnés dans les angles, puis, une fois vidés, ressortir directement sans avoir à faire demi-tour ni gêner les autres chariots qui arrivaient. Pour les vendanges, c’est important aussi d’être rapide : cela évite aux raisins de s’oxyder. Le sol en pente permettait de mieux nettoyer la cuverie et, après les vinifications, de faire rouler facilement les tonneaux jusqu’au cellier situé juste à côté et lui aussi de plain-pied. On pourrait s’étonner que les vins n’aient pas été entreposés dans des caves, en sous-sol, qui permettent d’avoir des températures stables, idéales. Mais cela aurait été moins pratique pour y accéder… et bien sûr les cisterciens ont tout prévu ! Le cellier est parfaitement conçu pour éviter les écarts de températures nuisibles à la conservation des vins : son entrée ne donne pas directement sur l’extérieur : un hall d’accès joue le rôle d’isolant ; ses murs ont plus d’1 mètre d’épaisseur et sont semi-enterrés côté vignes ; sa toiture descend jusqu’au sol côté ouest ; au plafond, 65 cm d’épaisseur de gravats l’isolent du dortoir des convers situé à l’étage… Ce cellier n’est pas celui implanté sur les premières vignes du Clos de Vougeot, mais il est très ancien tout de même : il a été bâti entre 1170 et 1180, alors que Cîteaux se lançait dans une viticulture ouvertement commerciale nécessitant des agrandissements.
C’est au milieu du XVIe siècle que l’ensemble des bâtiments a pris sa forme actuelle, avec l’édification d’un manoir Renaissance : une véritable demeure d’apparat pour l’abbé de Cîteaux. Il est vrai qu’il est devenu le seigneur des lieux –avec pouvoir de justice et perception d’impôts sur tous les villages des alentours – doublé d’un personnage influent : n’est-il pas à la tête d’un ordre puissant et omniprésent en Europe, dans le commerce, la politique, la diplomatie… ? Les cisterciens n’ont plus besoin de travailler pour vivre et sont devenus des rentiers de la terre : ils ne cultivent plus leurs domaines, préférant les confier en fermage ou à des salariés. Mais à cette richesse succède le déclin économique. Guerres, dettes, pillages, taxes, obligeront les moines à vendre certaines vignes, notamment leurs domaines de Pommard et d’Aloxe-Corton. La Révolution donnera un coup d’arrêt : les Ordres religieux sont supprimés ; les propriétés de Cîteaux, déclarées biens nationaux, sont vendues en 1791. Mais depuis les origines, les cisterciens auront toujours conservé des vignes et en particulier l’ensemble de ce vignoble du Clos-Vougeot. Une longévité tout à fait remarquable : de 1098 à la Révolution, près de 7 siècles d’expérience de la vigne et du vin !
A cette extraordinaire longévité, il faut ajouter que Cîteaux a essaimé ses connaissances et son expertise en viticulture dans les multiples abbayes qu’elle a engendrées. Et on peut affirmer que les cisterciens ont joué un rôle dans toutes les AOC qui existent en France aujourd’hui : pas une seule appellation que les moines vignerons n’ont su détecter, repérer, dans leur recherche du meilleur sol, du meilleur emplacement. On pourrait dire que, pour le vin, ils avaient du nez !
Aujourd’hui, on ne fait plus de vin au château du Clos de Vougeot. Il est devenu la propriété de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. C’est un monument historique, un des plus visités de Bourgogne. Faites une halte pour le découvrir plus en détails !
Côte-d’Or Tourisme © Béatrice Bourély