"Les Grâves" (du celtique "grava" qui signifie pierre et a donné le mot "gravats")
Toute la côte est très marquée par les assauts de la mer et les glissements de terrain qui ne l’ont pas épargnée. Jusqu’en 1538, une épaisse forêt descendait jusqu’à la mer, deux kilomètres plus loin que le rivage actuel, jusqu’au ratier (juste avant le chenal marqué par la bouée blanche). Il existait d’ailleurs une voie romaine, « le banc de la chaussée » qui permettait de relier Bayeux à Honfleur le long de la mer.
Dans la nuit du 29 septembre 1538, un violent séisme provoque un très gros glissement de terrain qui fait disparaître toutes les côtes de Fiquefleur à Villerville sur une largeur de 2km, engloutissant les villages de Grandouet, les deux tiers de Pennedepie, le village de Grance avec la chapelle de la Côte de Grace et son prieuré, et sépare Villerville du banc du ratier qui n’est plus qu’un îlot rocheux que la mer recouvre à marée haute.
Il y a encore une quarantaine d’années, à marée basse, on retrouvait sur la plage des fragments de troncs émergeant du sable.
Le ratier, que l’on voit découvert à marée basse, était recouvert d’arbres ; à l’époque où sa moulière était encore exploitée, les pêcheurs villervillais y amarraient leurs plates.
Vers 1850, il y avait encore une route de Honfleur à Trouville qui longeait la mer, praticable en voiture ou à cheval à marée basse.
La mer continue de ronger, et l'on estime que c’est environ 30 mètres par siècle qui disparaissent.
Le Parc des Graves tel que vous le voyez aujourd’hui est une réserve naturelle qui était gérée, jusqu’à très récemment, par le Conseil Général du Calvados et maintenant par la mairie.
Jusqu'en 1982, une cinquantaine de Villervillais y résidaient, et il y avait également un grand camping. Mais dans la nuit du 13 au 14 janvier 1982, un fort glissement de terrain a entrainé l'évacuation de ses habitants, et a rendu le camping inutilisable.
Ici, le sous-sol est formé d'énormes blocs de calcaire superposés et séparés par de minces couches d'argile (dite "de Villerville"). Lors de pluies abondantes suivies d'un gel intense, l'argile s'amollit et agit à la façon d'une couche savonneuse qui favorise le glissement d'un bloc de calcaire sur l'autre. Les géologues qui ont "disséqué" l'affaire (conditions météo, état du sous-sol, périodicité des glissements…) ont conclu que "les conditions météorologiques n'étaient pas exceptionnelles, et que les glissements de terrains (un par siècle !) se situaient dans une évolution naturelle de la côte amorcée depuis plusieurs milliers d'années." En bref, cela s'est déjà produit, cela se reproduira sûrement, et on ne peut rien y faire. De nouvelle fissures peuvent se créer, les maisons sinistrées ne seront pas reconstruites, le lotissement des Graves doit être abandonné.
Parmi les maisons touchées se trouvaient "Le cheval de Brique" qui avait appartenu au peintre Lucien Coutaud (1904-1977), ainsi que "Les Ramiers" propriété de l'acteur Fernand Ledoux (1897-1993, enterré dans le cimetière). Le camping a également disparu.
Pour la petite histoire, acheté à la comtesse de Nétumière en 1925, le terrain fut d'abord défriché par M. Pierre Roney. Celui-ci y mit ensuite des vaches, y fit son jardin. Puis, dès les congés payés de 1936, il installa une buvette dans sa grange.
Avec l'arrivée des touristes, le site devint un camping que M.Pierre Roney façonna entièrement de ses mains (la côte était, en effet, impraticable à ce niveau), et en fit l'un des campings les plus convoités de la Côte Fleurie. Il ouvrait 6 mois par an.
Il ne reste plus que sa maison (baptisée "Cheu Pierre"), qui appartient aujourd'hui à sa fille, Madame Triaureau, et qui est désormais inhabitée depuis les affaissements de terrain de 1982.